Entretien avec Alain Astouric, auteur d’ « Encadrer une équipe – La conduite des hommes dans une période de mutations ».

Alain AstouricAlain Astouric est spécialiste de la communication, des relations interpersonnelles et ressources humaines. Il a également été manager, ingénieur-conseil en pédagogie et responsable qualité. Auteur de plusieurs ouvrages dont le plus récent « Encadrer une équipe – La conduite des hommes dans une période de mutations », il a accepté de nous livrer sa vision du management et de répondre à  nos questions.

(Entretien réalisé par mail en septembre 2013.)


Comment percevez vous l’évolution du rôle de manager ?

Alain Astouric : De transformations permanentes en changements incessants, le monde de l’entreprise s’est progressivement installé dans un management officiellement présenté comme innovant et souple, mais en réalité ultralibéral et dur. Un management fondé sur la rapacité au gain et l’individualisation des résultats à l’aide de techniques et façons de faire qui allaient casser tout sentiment collectif.

Le soutien que constituait le collectif de travail s’est bien vite délité de sorte que les managers eux-mêmes n’ont pas été épargnés.

D’ailleurs depuis quelques temps leur propre exposition à la souffrance a tendance à encore augmenter avec le transfert qui leur a été fait de la responsabilité de l’identification des risques psychosociaux, alors qu’ils n’y sont pas toujours formés. Pas plus que nombre d’entres-eux ne sont véritablement formés à la dizaine de techniques qui font la réelle efficacité du management durable d’une équipe au travail.

Pourtant le manager devrait être l’un des garants de la qualité de vie au travail ?

Alain Astouric :Le travail qui aurait du non seulement garder son utilité intrinsèque mais garder aussi une certaine beauté pour que les gens conservent leur santé physique et mentale, est maintenant abimé par le manque de moyens, le manque de personnels.

Il est abimé par la financiarisation des entreprises et leur fascination pour le productivisme qui ont fini par capturer son sens. Depuis bien longtemps les humains sont ainsi faits que même pour des tâches simples, ils éprouvent le besoin de faire bien.

D’ailleurs tout le monde (ou presque) peut comprendre que l’impossibilité d’effectuer un travail de qualité fait souffrir mentalement et qu’en conséquence tous ceux qui souffrent, souffrent aussi de ne pas pouvoir faire du bon boulot, de devoir bâcler.

Or de plus en plus souvent, et malgré toutes les annonces faites, par manque de réelle marge de manœuvre, par manque de respiration entre deux changements, par manque de formation véritable ou tout simplement par manque de moyens et surtout de temps, les salariés ne peuvent plus réussir leur travail.

Comment expliquer alors l’augmentation de la souffrance au travail ?

Alain Astouric : Les risques psychosociaux ont toujours existés. Dans les années trente on évoquait déjà la charge mentale et dans celles cinquante on parlait de psychopathologies du travail. Mais si bien souvent les conditions matérielles de travail étaient éprouvantes, l’ambiance elle, restait plutôt amicale. Il y avait le soutien des collègues, on ne souffrait pas seul.

A l’inverse, s’il est vrai que le management est aujourd’hui apparemment moins directif, moins hiérarchisé, que l’on est plus copains et que l’on se tutoie plus facilement, souvent, sous des aspects complètement superficiels, la fausse bonne humeur et l’apparente liberté ne font que camoufler la souffrance.

Dans la réalité du quotidien de nouvelles techniques de management (Réingénierie, Empowerment, Travail en mode projet) ont conduit le salarié à devoir se débrouiller seul pour gérer les contradictions, avec peu de moyens et de moins en moins d’effectifs.

Comme il fallait s’y attendre, les risque psychosociaux se sont alors surmultipliés et beaucoup se sont mis à en parler.

Ce qui est vraiment dommage c’est qu’alors que les raisons du stress, du harcèlement, des incivilités, des agressions, des violences, du mal-être et de la souffrance au travail sont maintenant assez bien connues (liste des 100 principales causes) beaucoup font encore semblant de se demander ce qui se passe.

Quelles solutions pour faire évoluer les choses ?

Alain Astouric : Vu l’ampleur des dégâts, rien en soi n’est suffisant et la pédagogie à elle seule n’est pas la panacée. Mais si l’on n’utilise pas en premier lieu les moyens existants, ceux là même qui ont depuis longtemps fait leurs preuves, rien ne sera jamais résolu.

Aussi il nous parait plus que temps de donner enfin à la maîtrise et aux cadres, non seulement une réelle et suffisante marge de manœuvre mais aussi, une formation sérieuse, complète et concrète à la dizaine de techniques qui fondent « La conduite des hommes ».

En outre, parce qu’en matière de relations sociales dans le travail, de conditions de travail et d’organisation du travail la démarche collective est toujours à privilégier, nous pensons aussi nécessaire de former les décideurs et dirigeants, surtout les plus jeunes.

Nous remercions Alain Astouric d’avoir pris le temps de nous répondre et espérons continuer à bénéficier de ses avis et commentaires sur Verbiage.

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Entretien avec Alain Astouric, auteur d’ « Encadrer une équipe – La conduite des hommes dans une période de mutations ».

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